CARRIERES LONGUES
LES FRANCAIS ET LE GRAND AGE

27/05/2009
Depuis 2003, TNS Sofres réalise pour la Fédération Hospitalière de France le Baromètre Les Français et le grand âge. Ce dispositif d’études dresse de manière régulière l’état des lieux des perceptions et du rapport des Français au grand âge.
Réalisée en face à face les 23 et 24 avril 2009, auprès d’un échantillon de 1000 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, l’édition 2009 rend compte d’une critique désormais très sévère de la prise en charge des personnes âgées par les pouvoirs publics. Critique doublée d’une inquiétude croissante des Français quant à leur capacité à faire face au coût de la dépendance liée au grand âge.
Cette radicalisation de l’opinion et le sentiment de ne pas pouvoir « faire face » s’ancrent, pour de nombreux Français, dans l’expérience personnelle ou observée dans leur entourage proche de la dépendance. Autrement dit, ni fantasme ni simple lecture politique partisane d’une défaillance des pouvoirs publics, mais l’expression d’un sentiment d’impuissance partagé par une majorité.

En effet, en 2009, près d’un Français sur trois (32%) déclare avoir dans son entourage proche une personne âgée dépendante, en perte d’autonomie physique ou psychique. Il s’agit, pour 21% des Français, d’un parent proche (père, mère, grands-parents ou arrière grands-parents). Et c’est une réalité que connaîtra demain une part croissante de la population française. Le vieillissement de la population est un bouleversement de la société qui ne fait que commencer. En 60 ans, le nombre des Français âgés de 75 ans et plus a été multiplié par cinq. On dénombre aujourd’hui près d’un demi million d’individus âgés de 90 ans et plus. En 2040 on comptera environ 1,2 millions de personnes âgées dépendantes, soit une progression de 43% par rapport à 2000.
Dans ce contexte, la prise en charge du grand âge est devenue un enjeu crucial dans l’opinion française, dépassant les clivages politiques et idéologiques.

Près de trois Français sur quatre (71%) jugent qu’à l’heure actuelle la prise en charge des personnes âgées par les pouvoirs publics en France n’est pas satisfaisante. C’est une opinion qui ne cesse de progresser depuis 2004 (+ 16 points en cinq ans et + 3 points en deux ans). Par ailleurs, la critique est de plus en plus sévère : en 2004, moins d’un Français sur cinq (14%) sanctionnait très durement l’action des pouvoirs publics (« pas du tout satisfaisante »). En 2009, 22% dénoncent un grave déficit de politique publique.

Ce déficit de politique publique est aggravé d’un déficit de prise de parole. Déjà dénoncé par deux tiers des Français en 2005, il est montré du doigt par près de quatre Français sur cinq en 2009. 78% estiment qu’on ne parle pas assez des problèmes et de la prise en charge des personnes âgées en France (+ 15 points en 4 ans et + 7 points en deux ans).
Si les seniors eux-mêmes sont sur ces deux aspects moins critiques que leurs cadets (60% et 69% de mauvaise opinion), la majorité est constante et considère aujourd’hui que l’enjeu du grand âge n’a pas la place qu’il devrait occuper dans le débat et dans l’action publics.
La critique de l’action publique est d’autant plus sévère qu’elle s’accompagne d’un sentiment d’impuissance personnelle et pour une majorité d’incapacité à faire face au coût de la dépendance.

Dépendance : les Français se disent aujourd’hui incapables de la prendre en charge

Impuissance des familles et incapacité à couvrir le coût de la maison de retraite
55% des Français déclarent en effet qu’ils ne se sentiraient pas capables de prendre en charge une personne âgée dépendante de leur entourage, en perte d’autonomie physique ou psychique. Un sur quatre (26%) admet même qu’il n’en serait pas du tout capable.
Ce sentiment d’impuissance est aggravé par l’incapacité déclarée par 76% des répondants à s’acquitter du coût moyen mensuel de 2 220 euros pour un hébergement en maison de retraite si un de leurs parents devaient recourir à cette solution.
Et si sur ce point les inégalités entre classes économico sociales sont importantes, la très grande difficulté ou l’incapacité de couvrir l’intégralité de ces frais d’hébergement est une réalité dans toutes les catégories de population. Elle est pour ainsi dire la règle parmi les foyers modestes (85%). Elle est moins fréquente dans les familles les plus aisées, mais concerne toujours près de trois Français sur cinq (56%).

Le choix d’une prise en charge par la solidarité nationale en fonction des ressources de la personne âgée
L’inégalité des familles françaises face à ces dépenses semble imposer le choix d’une majorité relative pour l’adoption d’un système de financement des dépenses par la solidarité nationale prenant en compte les capacités contributives des personnes. Et concentrant de fait l’intervention de l’Etat sur les publics les plus modestes. 45% des Français préfèrent en effet à l’effort individuel et à la solidarité nationale pour tous, une prise en charge de la dépendance par la solidarité nationale en fonction des ressources de la personne âgée dépendante en augmentant les prélèvements obligatoires.
19% restent attachés au principe de la solidarité nationale pour tous. Et, à l’inverse, un Français sur quatre (24%) fait le choix du seul effort individuel, estimant que la meilleure solution est de laisser à chacun la possibilité de souscrire une assurance qui couvre le moment venu les frais liés à la dépendance.
Si les sympathisants de gauche sont un peu plus nombreux à prôner la solidarité nationale pour tous (23%) et les sympathisants de droite plus nombreux à choisir un système de financement individuel du risque (33%), à droite comme à gauche, la majorité relative est constante et fait le choix d’une prise en charge par la solidarité nationale en fonction des moyens de la personne âgée dépendante.
Les perspectives démographiques françaises imposent la question de la définition et

de l’organisation d’un système pérenne de financement de la prise en charge de la dépendance, mais elles interrogent plus quotidiennement la capacité des familles à prendre en charge tout ou partie des actes du quotidien que la personne âgée ne peut plus assumer.
Confrontés à cette situation les Français font aujourd’hui majoritairement le choix contraint de la maison de retraite, et une minorité qui ne cesse de croître devient « aidant », privilégiant la solution du maintien à domicile de la personne âgée.

La maison de retraite :
le symbole de l’échec de la prise en charge du grand âge en France

L’hébergement en maison de retraite est en effet le principal hébergement des personnes âgées dépendantes. Elle est pourtant une solution contrainte et subie : quel que soit leur âge les Français partagent la même réticence à son égard. Entre malaise et culpabilité, les plus jeunes y mettent à contrecoeur leurs aînés (79%) ; et les personnes âgées ne souhaitent pas aller en maison de retraite (90% des 75 ans et plus).

Une mauvaise image alimentée par la perception d’une augmentation des maltraitances
La maison de retraite cristallise aujourd’hui l’échec perçu de la prise en charge du grand âge en France. Positive – bien qu’à minima – et stable depuis 2003, l’image des maisons de retraite a basculé en 2007 : 49% des Français avaient une mauvaise opinion des maisons de retraite, pour 41% de bonne opinion. En 2009, c’est une majorité franche (52%) qui dit avoir une mauvaise opinion des maisons de retraite, pour 39% de bonne opinion.
Si on constate des écarts de perception entre classes économico-sociales, la majorité exprime toujours une mauvaise opinion de cette solution d’hébergement : les classes moyennes supérieures sont les plus critiques (60% de mauvaise opinion), et les classes moyennes inférieures sont plus mesurées (47% de mauvaise opinion pour 45% de bonne opinion).
En revanche, les majorités s’inversent selon l’âge du répondant. Comme en 2007, les plus sévères sont les 35-49 ans, 57% déclarant avoir une mauvaise opinion de maisons de retraite (5 points de plus que la moyenne). A l’inverse, une très courte majorité relative des 65 ans et plus est positive (43%). Force est de constater que, si l’image reste plus positive auprès des seniors qu’elle ne l’est auprès de leurs cadets, elle s’est pourtant dégradée. En 2007, 51% des 65 à 74 ans et 50% des 75 ans et plus étaient positifs. En 2009 ils sont respectivement 39% et 47%.
Enfin, cette opinion restait également toujours un peu meilleure – ou un peu moins mauvaise – parmi les Français qui déclaraient avoir une personne âgée dépendante dans leur entourage proche : on enregistrait 46% de bonne opinion (contre 41% en moyenne). En 2009 : 39%, soit un recul de 7 points. Autrement dit, le jugement des Français qui font l’expérience quotidienne de la dépendance dans leur entourage rejoint aujourd’hui la perception de ceux qui ne la connaissent pas mais la redoutent.
La mauvaise image des maisons de retraite en France s’ancre toujours dans la perception de défaillances graves de cette solution d’hébergement : charge financière perçue excessive pour 97% des Français – et rappelons-le, de fait inassumable pour 76%, places disponibles insuffisantes pour 88% (+ 2 points par rapport à 2007), et soupçon ou constat de maltraitance pour 40%, soit + 8 points en deux ans (et 57% parmi les Français qui ont une mauvaise image de la maison de retraite). Une progression sans doute pour partie alimentée par la diffusion d’images choquantes et bouleversantes sur ce sujet ces douze derniers mois.

Pour faire face à la maltraitance : la réponse humaine
Pour prévenir les situations de maltraitance, les Français ont aujourd’hui la conviction que c’est de moyens supplémentaires en personnels qualifiés et d’une formation adaptée pour tous les personnels dont les maisons de retraite ont besoin (respectivement 44% et 34% de citations, 38% et 47% parmi les 65 ans et plus). Viennent ensuite un encadrement renforcé des personnels (27%), la présence d’un personnel médical permanent (25%) et un contrôle et une évaluation de la qualité de la prise en charge (23%) pour pallier des taux d’encadrement faible et une présence médicale insuffisante.

Enfin, la mise en place de structures d’écoute et d’accompagnement des personnels et l’amélioration des moyens de signalement des maltraitances sont perçues plus secondaires. Elles totalisent chacune moins d’une citation sur cinq (respectivement 19% et 18%).
C’est bien la réponse humaine qui semble aujourd’hui devoir être privilégiée, par l’adoption d’une véritable politique de formation des soignants et l’augmentation des moyens humains disponibles dans les maisons de retraite françaises.
Or, la prise en charge de la dépendance et du grand âge est un secteur perçu de plus en plus attractif par les Français. Près de sept sur dix (68%) conseilleraient en effet à un proche ou à un enfant de s’orienter vers un métier d’aide et de prise en charge des personnes âgées. C’est une augmentation de 6 points en deux ans.

Un nouveau groupe social : les aidants
La perception très négative de la maison de retraite alimente sans aucun doute la préférence des Français pour les solutions de maintien à domicile de la personne âgée . Si cette alternative est le choix du cœur contre celui de la raison, elle pose cependant la question des conditions du maintien à domicile et des moyens disponibles pour un nouveau groupe social : les aidants. Un groupe social estimé actuellement à 3 700 000 personnes et qui devrait croître mécaniquement sous les effets conjugués du vieillissement de la population et de la préférence des Français pour les solutions de maintien à domicile.
Ainsi, les Français jugent-ils indispensable que les personnes qui s’occupent quotidiennement ou très régulièrement d’une personne âgée dépendante disposent d’une aide financière (63%), d’une formation pour savoir répondre à ses besoins (58%), de moments de répit grâce à l’hébergement temporaire de la personne âgée en maison de retraite (57%) et d’un statut légal de l’aidant (53%).

Des conditions indispensables à réunir pour un maintien à domicile qui permette de conjuguer bien-être de la personne âgée et de lutter contre l’isolement et l’impréparation des aidants naturels.

20.05.2009 Étude publiée par http://www.tns-sofres.com/
Étude réalisée pour la Fédération Hospitalière de France



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