
En France, près d’une personne sur cinq déclare avoir ressenti un impact durable sur sa santé mentale après une perte. Pourtant, rares sont les proches qui identifient l’ensemble des réactions émotionnelles traversées, bien au-delà de la tristesse attendue. Les réactions dites atypiques, comme la colère persistante ou la culpabilité diffuse, restent souvent incomprises ou minimisées.
Des dispositifs spécifiques d’accompagnement existent, mais demeurent sous-utilisés. L’accès à des ressources fiables et à des conseils pratiques représente un levier essentiel pour mieux comprendre ce qui se joue et accompagner au plus près les personnes concernées.
Plan de l'article
Les émotions invisibles du deuil : pourquoi sont-elles si difficiles à nommer ?
Perdre quelqu’un bouleverse plus profondément qu’on ne veut bien le croire. Si la tristesse est la réaction attendue, elle n’est qu’une pièce d’un puzzle souvent bien plus complexe. Colère qui couve, impression de vivre à côté de soi, peur qui serre la gorge ou culpabilité tenace : autant de ressentis qui échappent à l’évidence. La psychiatre Elisabeth Kübler-Ross a identifié plusieurs étapes, déni, colère, marchandage, dépression, acceptation, mais ces phases ne se succèdent jamais de façon bien ordonnée.
Nombreux sont ceux qui hésitent à reconnaître des émotions jugées “inconvenantes” : la rage, la honte, ou même un soulagement discret. La société encourage la pudeur face à la peine, mais redoute ce qui dépasse le cadre. Il arrive que le chagrin s’exprime sous la forme d’un immense vide, d’un sentiment d’injustice, ou d’une absence de larmes qui dérange plus encore. Le deuil blanc, cette souffrance silencieuse liée à une disparition sans explication précise, illustre bien la difficulté à parler de ce qui ne se voit pas.
Dans ce tumulte, chaque émotion impose son propre rythme. L’entourage, souvent pris au dépourvu, guette les signes “habituels” de tristesse et ignore la diversité des réactions. Mettre des mots sur ces ressentis, leur donner droit de cité, c’est déjà amorcer un apaisement. Des lieux d’écoute comme Une Rose Blanche ouvrent la voie à cette parole longtemps étouffée, permettant à chacun de déposer ce qui pèse.
Reconnaître ses ressentis pour mieux avancer : pistes concrètes et conseils bienveillants
Mettre le doigt sur ce qui se passe en soi, c’est avancer sur le chemin du deuil. La tristesse n’est qu’un aspect ; d’autres émotions se faufilent, parfois confuses, parfois déconcertantes. Un outil simple, le journal des émotions, peut aider à clarifier ce qui traverse le cœur et l’esprit. Écrire, même brièvement, éclaire les zones grises du vécu intérieur.
Pour faciliter ce cheminement, voici quelques repères utiles :
- Accueillez tout ce qui émerge, sans vous juger. Colère, peur, irritabilité : rien n’est à écarter.
- Alternez moments d’isolement et temps passés avec une personne de confiance, ou consultez un professionnel si le mal-être s’installe.
- Expérimentez des approches comme la cohérence cardiaque pour calmer le stress, la météo intérieure pour prendre la température de vos émotions, ou la sophrologie pour relâcher le corps.
Prendre soin de soi passe aussi par l’action : certains trouvent un réconfort dans la marche, d’autres dans l’art, la musique, la méditation. Un psychologue ou un thérapeute formé à l’EMDR ou à l’hypnose peut accompagner les passages particulièrement difficiles, lorsque la tristesse se fait oppression ou que l’impression de tourner en rond devient pesante.
La douceur envers soi-même trace le fil rouge de cette traversée. Inutile de forcer le rythme, chaque parcours est singulier. Comme le souligne Christophe Fauré, le deuil ne se réduit pas à une suite d’étapes bien rangées, mais à une avancée faite de détours, de pauses et de retours en arrière. Laisser le temps au temps, c’est déjà se respecter.
Accompagner une personne en deuil : ressources utiles et gestes qui font la différence
Épauler quelqu’un confronté à la perte, c’est souvent privilégier la discrétion et l’écoute. Être là, sans brusquer, sans exiger de confidences. Parfois, il suffit d’une présence régulière, d’un message, d’un simple geste pour alléger le poids de la solitude.
Certains gestes simples ont un impact réel :
- Proposez une aide concrète : faire les courses, gérer des démarches, prendre des rendez-vous.
- Soutenez les rituels choisis, qu’ils relèvent de traditions religieuses, laïques ou soient avant tout symboliques.
- Laissez la porte ouverte aux souvenirs : évoquer la personne disparue, partager une anecdote, c’est faire vivre la mémoire commune.
Il est parfois utile de suggérer le recours à un groupe de soutien ou à un spécialiste : psychologue, thérapeute, accompagnant spirituel. Les groupes de parole animés par des experts comme Christophe Fauré ou Marie de Hennezel offrent un espace pour déposer la souffrance, explorer la colère, la peur, la sidération ou l’impression d’absurdité. La lecture de textes, à l’image de Les absents de Victor Hugo, aide aussi à mettre des mots sur l’indicible, à retrouver un souffle ou simplement à se sentir moins seul.
La force d’un cercle solidaire, amis, voisins, associations, peut changer la donne. Ce maillage de soutien, discret mais précieux, permet souvent de traverser ce qui semblait infranchissable. Garder en tête que chaque histoire de deuil est singulière, chaque émotion recevable, c’est sans doute la plus belle marque d’attention.
Un jour, la douleur se fait moins vive. Pas d’oubli, mais une présence autre, plus douce. On avance, parfois à petits pas, parfois d’un bond, mais toujours avec une part de ceux qui nous ont quittés, nichée au creux du cœur.